Lettre au cardinal Nasrallah Sfeir
May 2019

Lettre au cardinal Nasrallah Sfeir

 

 

Votre Eminence,

C’est avec une immense tristesse que nous avons appris à l’aube du 12 mai votre départ.

Comme tout Libanais, nous savions que vous combattiez la maladie avec force et courage depuis quelques jours déjà.

Je prenais bien entendu de vos nouvelles mais connaissant si bien votre pudeur, je vous comptais encore de beaux jours espérant fêter avec vous et vos proches -comme il est de coutume- votre 99e anniversaire prévu le 15 mai prochain. Le destin en a cependant décidé autrement.

L’annonce de votre départ par le patriarche Béchara Raï a alors sonné comme un glas dans mon cœur.

Nous nous souviendrons alors toujours de votre parcours sans faille fait de courage et de ferveur consacré une vie durant à l’église maronite, à la communauté chrétienne et surtout aux Libanais dans leur ensemble.

Nous nous souviendrons surtout de votre défense envers et contre tout de l’intérêt supérieur de la patrie.

Un intérêt malheureusement malmené si souvent et par tant de parties que vous combattiez avec dialogue, vigueur, franchise et surtout sans crainte.

Votre Eminence, vous êtes parti en cette nuit du 11 mai avec toute la grandeur d’âme et la pudeur que nous vous connaissions tous et ce comme l’a été votre parcours spirituel tout au long de votre vie.

Mais avant de vous dire quelques mots, mes pensées émues vont à vos proches et surtout à l’église maronite avec à sa tête le patriarche Béchara Raï, cette communauté à laquelle vous avez voué tout votre soufflé jusqu’au dernier.

Eminence, nous retiendrons toujours, la difficulté qui ne vous aura jamais effrayé. Nommé 76e patriarche des maronites d’Antioche et de tout l’Orient, en 1986 en pleine guerre civile, ce n’était pourtant pas tâche facile, un défi que vous avez relevé comme tous les autres qui suivront avec amour, patience et surtout vision au milieu des ténèbres et du sang.

De vous, nous retiendrons aussi toujours que vous avez été l’un des artisans de la paix avec l’accord de Taêf qui mit fin à la guerre du Liban en 1989, une fois encore, vous étiez en coulisses.

De vous le Liban et les Libanais retiendront tant d’engagements et de prises de positions courageuses en

ces jours troubles qui ont jalonné l’histoire politique, sécuritaire, psychologique et sociale du pays.

Une fois la paix des armes retrouvée, nous vous retrouvions encore une fois fervent défenseur d’un Liban indépendant.

De vous, nous retiendrons aussi et avant tout un modèle sans faille de coexistence pacifique et

d’encouragement à la réconciliation de la montagne entre les communautés druzes et chrétiennes. Une

réconciliation qui porte depuis l’année 2000 votre marque indélébile.

Cependant votre Eminence, des pages entières noircies ne suffiraient pas à vous rendre hommage comme vous le méritez.

Les Libanais dans leur ensemble vous doivent tant et se sentent oui, mille fois oui, « orphelins » en ce jour de mai qui marque votre départ dans l’au-delà.

Comme l’a si bien dit le patriarche Béchara Raï durant la messe dominicale de ce matin à Bkerké : l’Église a « perdu une icône, mais nous avons tous gagné un saint patron au ciel ». Et cela est un immense honneur que vous nous faites encore une fois, à nous, vos enfants de foi, sachant que votre protection, elle, est immortelle.

Là où certains s’effraient et battent en retraite, vous avez su apprivoiser les êtres et les situations pour

défendre au mieux et jusqu’au bout un Liban libre, digne et indépendant. Plus qu’une leçon de vie, vous

êtes une leçon de résilience, un modèle immense pour les générations à venir permettant de croire que

l’impossible devient possible avec une foi inébranlable et un courage sans faille dans l’action.

Au lendemain de votre départ, le Liban perd un homme de bonté et d’amour, un homme à l’immense

bravoure et surtout un des plus grands défenseurs d’un Liban de coexistence et de dialogue, de liberté et surtout de paix.

N’ayant pas connu le repos durant toutes ces batailles que vous avez relevé et mené en nos noms à tous, une vie durant, permettez-nous, Eminence de vous dire, MERCI du fond du cœur.

Les membres de notre association, la Fondation mondiale patriarcale maronite pour le développement

intégral, se joignent à moi pour vous rendre un dernier hommage.

Reposez en paix.

 

Salim G. Sfeir

Vice président

De la Fondation mondiale patriarcale maronit